Les feux de l'amour (Ellane Wels)

Dans un éclat de procelaine, l’assiette lancée telle un frisbee vola jusqu’à lui et pour l’esquiver, le chapelier n’eu d’autre solution que de sauter ventre à terre. Elle alla se briser contre le mur derrière. Il rampa frénétiquement pour se cacher derrière un bureau renversé, le temps de trouver une autre arme.
Quotidiennement, le manoir se transformait en champs de bataille où la vaisselle volait comme autant d’obus, ainsi que les tableaux ou les meubles. Le majordome pouvait s’arracher les cheveux, depuis que le temps s’était arrêté ici, les choses ne tournaient, comme les aiguilles, plus du tout rond. Primordialement dans la vie de couple on ne peut plus tumultueuse du Chapelier et d’Ellane Wels, la femme qui avait un droit officiel et signé en mairie pour être dans son lit. Sa femme, son épouse, la plus grosse erreur de sa vie sans doute, et aussi une drogue dont il ne peut pas se passer plus de deux jours. Pourquoi celle là plus qu'une autre ? Good question...
Le sujet de dispute du jour, il ne le sait même plus, mais quoi qu’il en soit cela fait un bon quart d’heure que cette furie tente de lui casser sur le dos divers objets décoratifs, de même qu’il est bientôt en proie de passer pro dans l’art du lancé de statuettes en bronze.
Tiens d’ailleurs voilà l’outil idéal. Il tendit le bras pour se saisir d’un porte plume et le jeta de toute ses forces en direction de sa Dulcinée. Du moins de l'endroit où il imaginait qu'elle était. Mais dans la rapidité du geste, sa capacité à viser était nettement diminuée.

-Je vais la tuer ! Sur la reine, je vais la tuer ! hurla-t-il une fois encore avant de repousser violemment l’écritoire derrière lequel il était toujours planqué.

D’un bond, il s’élança vers une autre sortie et se replia vers le corridor où, dans sa colère enivrante, il manqua de se prendre les pieds dans le tapis. Personne en vu, il s’adossa au mur et constata qu’il était en sécurité ici. Cependant, malheur ! L’assiette qui avait manqué de la scalper à l’instant avait renversé son chapeau et celui-ci jonchait sur la moquette du bureau qu’il venait de quitter !
Dans un ultime élan de courage mêlé à la rage de vaincre, il revint sur ses pas, bien que dans cette même pièce, l’ennemie à abattre était aussi embusquée quelque part.

Un champ de bataille. Un endroit ou chaque débris de verre pouvait se transformer en mine, et chaque assiette lancée avec dextérité mais non précision un missile aveugle. Et deux gamins planqués derrière des meubles, s'amusant à se faire la guerre avec des missiles tout aussi dangereux que des fusils et des battes de base-ball... pour le mobilier. Compte tenu de leur adresse, aucun des deux ne risquait grand chose dans l'immédiat.

Recroquevillée derrière une commode en bois sculpté, Ellane avait le droit à une grande disponibilité d'objet divers et variés que d'autres meubles remplis de vaisselle offraient à la jeune femme qui s'essayait au tir de pigeon. Version bien plus violente et légèrement plus agaçante pour la femme de ménage qui devait se demander d'où provenaient ces cris aigus qui retentissaient dans la baraque, titillant les oreilles de tous les habitants du manoir.

La rouquine -oui elle était aujourd'hui rousse, et sa tenue rouge sang témoignait de l'humeur massacrante du couple, d'ailleurs les dentelles n'avaient pas tenues le coup, et les froufrous qui enveloppaient le bas de sa robe vaporeuse n'étaient plus, de même que la raison de la jeune femme, mais ça faisait belle lurette que cette dernière n'existait plus- sortie un assortiment de couteaux divers et variés d'un placard avant de se relever discrètement, prête à les lancer sur son cher et tendre. Sa main agrippait les manches en formes de coeurs avec marqué « Heureux et Unis pour toujours », lorsqu'elle remarqua que le chapeau troué qu'elle tachait de viser sans succès depuis un quart d'heure avait disparu. Il était sans doute redescendu d'un étage mais de là où elle était, elle ne pouvait le voir.

La jeune fille lâcha les couteaux qu'elle tenait entre ses mains, fracassant une chaise contre le sol pour prendre l'un de ses pieds avant de se lancer à la poursuite du chapelier, ses cheveux défaits témoignant de l'agressivité qui l'habitait. Dans un hurlement de rage elle lança une pique à son époux, se ruant à sa poursuite en essayant de ne pas se casser la figure dans les débris :

-La reine ? Qu'est ce qu'elle vient faire là dedans ! C'est moi ta femme ! Pas cette idiote ! Alors ne jure que par moi, pas par cette princesse de basse-cour !!!

Elle n'aimait pas la reine, et pas seulement à cause de son poste au château, mais également à cause de cette jalousie dévorante qui la prenait à chaque fois que son petit coeur parlait d'elle. La jeune femme abattit son gourdin improvisé au moment où le chapelier passait. Pourtant, elle le rata de quelques centimètres -sans doute une aide de son sub-conscient- voyant son arme se fracasser contre le mur en arrachant la tapisserie.

[Pas terribllleuuuuhhhh, j'essaye de faire mieux la prochaine fois u_u]

Le Chapelier s’empara de son couvre chef jonchant, le vissa sur la tête et aperçut, de par-dessous la visière, sa rouquine d’épouse charger avec ce qui semblait-être un bâton. Un peu de corps à corps, jolie fleur ? C’aurait été avec joie s’il avait eu l’ombre d’une arme sur lui. Ce n’est qu’en prenant la fuite qu’il se rappela du poignard qu’il cachait dans sa manche. Tout en courant, il plongea la main dans le vêtement, déchira la manchette et attrapa la première chose qui lui vint sous les doigts pour le jeter au visage de son poursuivant. A savoir une trentaine de carte à jouer pour mieux tricher à chaque partie. Point de poignard, celui-ci devait être chez le forgeron (ne l’avait-il pas brisé lors de leur dernière bataille ? Pas impossible).

-Idiote ? Tu oses !? La Reine ! La Reine ! On insulte la reine ! Qu’on lui coupe la tête !

Sa voix criarde fendit l’air mais il ne cessa de courir, la folle à ses trousses, dans les longs couloirs. Voilà le point de sortie ! Un escalier ! La vue des marches blanches lui signalèrent une libération, s’il atteignait l’étage inférieur rapidement –en glissant sur la rampe par exemple- il pourrait accéder à la galerie des armures qu’il avait très volontairement fait installer là.
Il attrapa la rampe, se retourna un bref instant vers sa chère et tendre et reçut un objet entre les deux yeux. Le fameux bâton mystère probablement. L’impact engendra une explosion à l’intérieur de son crâne, il perdit l’équilibre, tomba en arrière et chuta. Il roula disgracieusement dans les marches de marbres et atterrit non moins délicatement en bas, sonné, la tête sur le carrelage.
-Aarrgl...

Le chapelier avait comme l’impression d’avoir le dos démonté. Un peu de sang tâchait son front (une autre blessure dans la tête ?) et il mit quelques secondes à ouvrir correctement les yeux. Il en avait vu d’autre mais quand même ! Elle y était allé fort, cette folle !
Sans pouvoir se redresser entièrement, il rampa instinctivement vers elle, à terre à son tour.

-Aaah, je souffre ! gémit-il avant de pousser un hurlement de rage et de rassembler ce qui lui restait de force pour se jeter sur elle. Même blessé, il était de toute façon plus grand et plus lourd, assez pour la dominer à ce jeu là.

Il porta brutalement les mains à son cou délicat et la secoua comme un prunier manquant à chaque coup de lui dévisser la tête, l’étranglant frénétiquement tout en l’empêchant de s’enfuir. Sa hanche le faisait abominablement souffrir, il avait terminé sa chute en se cognant dessus. Joignant le râle au geste, il lui saisit les cheveux avec un cri et engagea un geste pour lui frapper le crâne contre le pavé. Mais, ô souffrance ! La douleur qui lui transperça le dos lui arracha un hoquet de stupeur. Comme si on lui enfonçait un talon très aiguisé dans la colonne vertébrale !
Il roula sur le côté et laissa ainsi respirer sa jeune amie. Cependant, il garda les doigts, que-dis je ? les griffes, accrochés à son jupon et tira dessus de toute ses forces en s’éloignant. Il l’arracha.

-Chienne ! Folle ! Idiote ! Je souffre ! On me tue ! On m’assassine ! Je meurs ! Je suis mort !

Le Chapelier aimait exprimer sa douleur. Comme chacun de ses faits, il aimait qu’il soit vu –et désapprouvé. Gisant au sol, il tendit les bras vers le plafond en se griffant le visage, en le prenant entre ses mains.

-Ça fait maaaleuh !

Pendant qu’Ellane devait reprendre ses esprits (et son souffle), il trouva la force de refermer sa main sur la lance qui jonchait tout près. Il tenta de se relever en s’en servant comme d’une canne ou d’une béquille.

S’effondrant une fois de plus, il gardait les doigts péniblement refermés sur la lance. Mais dans sa fragilité actuelle, il ne pouvait esquiver les projectiles que sa tendre épouse s’acharnait à lui lancer. Alors, il entreprit de la frapper au chevilles, à plat ventre contre le carrelage, à l’aide de son arme. Maladroitement, le geste n’eut d’autre effet que de réveiller sa douleur dans le dos.
Cependant, n’était-il pas le chapelier fou ? La violence du combat partagé entre amour et haine, ce manque d’équilibre cruel qui était le leur, un mauvais tour divin et une fatalité implacable. Tous deux se relevaient toujours. Car, affligé l’un à l’autre, sans pouvoir vivre ensemble mais sans pouvoir être séparés non plus, ces perpétuels désaccords ne pouvaient jamais connaître de vainqueur.

Une fois qu’elle eu vidé son stock d’objets à lui balancer, il fit une seconde tentative de se relever, mais cette fois ci en pointant l’extrémité tranchante de son appui vers sa gorge où étaient encore encrés les marques de ses mains. Sa stature, encore meurtrie de quelques douleurs l’empêchait de se redresser de manière militaire, mais il était debout. Accroché à sa lance mais debout.

Prenant son air le plus menaçant, il avança vers elle et lui rappela de cette sorte qu’il faisait quelques têtes supplémentaires. Ellane était une femme enfant.

-Tu oses maltraiter un infirme ? Tu veux que je te fasse une petite piqure de rappel, la môme ? Comment je t’ai ramasser la première fois ? Tu connais le chemin de la salle des tortures, il me semble ?

La mythomanie sinueuse de son esprit lui soufflait qu’il avait récupérer sa femme dans un état pitoyable –alors qu’en réalité, c’aurait plutôt été l’inverse mais qu’importe, s’il le dit c’est que c’est vrai.
Ils avancèrent ainsi, l’un avançant l’autre à reculons jusqu’à au bout du couloir qui donnait sur l’arrière cuisine du bâtiment.
Toujours en la menaçant, il lui posa doucement sa main osseuse sur l’épaule avec un soupir. Puis, sans crier gare, il la repoussa violemment dans un placard ouvert –contenant des hachoirs, je précise, et d’autres ustensiles de ce goût là-, le referma et bloqua la porte avec la clef.

-Je vais t’offrir quelques instants de reflexions en seule à seule, ironisa-t-il en s’effondrant sur la chaise la plus proche.